
De nos jours, l'accroissement des besoins en électricité, la sortie du nucléaire, la nécessité de réduire la production d'énergies fossiles et le réchauffement climatique pousse à un fort déploiement des énergies renouvelables. Pour s’adapter aux nouveaux usages de l’énergie électrique, on estime aujourd’hui que les réseaux électriques doivent évoluer vers des “réseaux électriques intelligents” ou “smart grids”.
Le réseau, une logique spatiale
La raison première du réseau électrique est d’acheminer l’électricité depuis les centres de production, jusqu’aux centres de consommation. Les meilleurs sites de production électrique sont rarement à côté des villes, qu’il s’agisse de centrales nucléaires ou de centrales thermiques, elles-mêmes souvent installées au bord de cours d’eau servant de sources froides.
La construction de notre réseau électrique a débuté il y a plus de 100 ans et, à cette époque, les besoins de production et de consommation étaient bien différents de ceux d'aujourd'hui. L’électricité est transportée en haute tension sur un réseau dit de transport, sorte d'autoroute électrique puis en moyenne et basse tension, sur un réseau dit de distribution pour relier les différents consommateurs. L’architecture de ce réseau de distribution ressemblent à des branches d'arbres et chaque jour, chaque heure, les centrales sont pilotées en fonction des prévisions de consommation pour fournir assez d'électricité aux consommateurs.
Equilibre production/consommation
Mais le réseau a un autre rôle fondamental. L’inconvénient majeur de l’électricité est la difficulté de la stocker massivement. L’absence de stockage temporel implique que la production doit en permanence s’équilibrer strictement avec la consommation sous peine de faire varier la fréquence du réseau. En effet, si la consommation dépasse la production, la fréquence diminue (ou inversement). En cas de fort déséquilibre, la fréquence peut même s’écrouler totalement, c’est le « black-out ». L’Italie l’a connu en 2003 avec ses 56 millions d’habitants plongés dans le noir.
L’interconnexion des réseaux électriques européens permet de contourner cet inconvénient en répartissant l’énergie électrique entre les états.
L’augmentation des lieux de production décentralisés des énergies renouvelables : éolien, photovoltaïque, qui s'éparpillent maintenant sur tout le territoire, accentue aussi ce déséquilibre.
Notre réseau électrique fait donc face à plusieurs défis :
- Comment intégrer ces nouvelles productions au réseau de distribution d'électricité ?
- Comment le réseau peut-il évoluer pour assurer la demande croissante en électricité ?
- Comment faire évoluer ce réseau sans que le prix de l'électricité ne s’envole ?
Le dimensionnement du réseau
Actuellement, le réseau électrique est dimensionné pour recevoir les productions (nationales et locales) et satisfaire les consommations. Il absorbe les pics de consommation et les hausses de production locale, ce qui ne se présentent que rarement dans l'année. C'est pourtant le critère qui dimensionne le réseau.
Par analogie, si les autoroutes étaient dimensionnées selon le même principe, on se retrouverait avec des autoroutes à deux fois dix voies pour assurer le pic de circulation annuel qu'est le chassé-croisé estival. En dehors de ce pic de circulation, l'autoroute serait grandement sous-utilisée et il faudrait pourtant payer un montant d'entretien élevé, en plus d'un coût de construction considérable, pour pouvoir développer les énergies renouvelables et maintenir notre niveau de consommation électrique.
Il faut donc revoir la façon dont est conçu le réseau si l'on veut continuer à fournir suffisamment d'électricité verte et à un coût maîtrisé.
Du réseau aux réseaux intelligents
L'objectif, c’est de rendre le réseau électrique intelligent. Ce sont les nouvelles technologies de communication, dont on équipe le réseau électrique ainsi que les différents sites de consommation et de production locale (capteurs et actionneurs), qui rendent le réseau pilotable dynamiquement. Consommation et production peuvent alors s'adapter dynamiquement à l'offre et à la demande électrique, y compris lors d'incidents techniques, d'aléas climatiques, etc. Tous ces capteurs permettent également une connaissance accrue de ce qui se passe dans le réseau et ouvre la voie à des opérations de maîtrise et d'économie d'énergie.
Compteur intelligent
Une condition essentielle est le compteur électrique qui devient communiquant. En cas de surproduction, un signal de commande de marche peut être envoyé vers un équipement (par exemple un chauffe-eau électrique ou en passant par un ordre de stockage à votre voiture électrique) apportant une solution immédiate. En cas de sous production, ce même signal donnera un ordre de réduction temporaire des consommations des équipements.
La charge de véhicule électrique sera mobile et imprévisible
Outre leur caractère silencieux, un des atouts principaux des véhicules électriques est de ne pas dégager de gaz d’échappement, en partie responsable de la pollution dans les zones urbaines.
En effet, pour accélérer le déploiement du véhicule électrique, il est nécessaire en parallèle de construire des infrastructures de recharge. Les stations de recharge, raccordées au réseau, auront donc un impact sur la configuration de ce réseau au niveau local, régional et national. Il existe actuellement trois types de bornes de recharge : elles sont caractérisées par leur temps de recharge, inversement proportionnel à leur consommation électrique.
Les plus répandues aujourd’hui sont les bornes de recharges dites « normales » représentant près de 80% des points de charge. Les bornes de recharges accélérées, puis rapides permettent, elles, de faire le plein d’électricité en une demi-heure avec une puissance instantanée pouvant atteindre les 50 kW.
Pour les gestionnaires du réseau de distribution, les défis majeurs consistent à optimiser l’implantation des bornes et leur pilotage en dehors des pics de consommation, afin d’éviter de nouvelles contraintes sur les réseaux.
Évolution future majeure
Aujourd’hui, la production est très bien contrôlée et suit la consommation sur laquelle les actions restent assez réduites, même si la modulation des coûts avec les heures creuses et pleines a permis de lisser la consommation.
En revanche dans l’avenir, la production sera de moins en moins contrôlée du fait de l’introduction massive des énergies renouvelables. Celles-ci ne sont pas forcément disponibles quand le besoin existe et elles ne sont pas même prévisibles. Autant on prévoit le vent ou le soleil, autant c’est impossible de prévoir un nuage par exemple au-dessus d’une ferme photovoltaïque.
Pour maintenir l’équilibre production/consommation, une pression plus forte devra être exercée. Des mécanismes nouveaux (tarifs préférentiels, redevance prosumer, etc.) devraient inciter l’utilisateur à déplacer ses équipements les plus flexibles, afin qu’ils soient démarrés ou délestés au moment le plus opportun du point de vue du réseau. Les objets connectés peuvent aider à cette flexibilité. Cette régulation pourrait être associée à de l’autoconsommation et à du stockage local, et la voiture électrique pourrait jouer un rôle dans ce sens. Les villes intelligentes contribueront à l’aménagement, la gouvernance, l’organisation des villes et des éco-quartiers. Des projets pilotes seront lancés pour soutenir leur interconnexion (smartgrids). Les habitats, améliorés avec ces technologies, devront intégrer l’énergie verte, la mutualisation des ressources énergétiques (voitures électriques, facilitation de renvoi des surplus produits vers le mini-réseau, etc.), l’isolation, la consommation d’énergie différenciée (électroménager d’usage secondaire en horaire décalé) ; qui changeront les habitudes de vie et de consommation des wallons.
D’ailleurs, le projet « COLECO en Wallonie Picarde » en est le parfait exemple. La consommation d’énergie y est majoritairement couverte par de la production renouvelable locale au moment où elle est produite.
La formation au smartgrid de 5 jours permet d’appréhender ce qu’est un réseau intelligent ; d’identifier les sources de production d’énergie conventionnelle et renouvelable (Centrales, Eolien, PV) ; de comprendre le fonctionnement et les risques associés aux Smart Grids ; de connaître le mode de gestion des réseaux de transport et de distribution électriques ; de comprendre les problématiques d’intégration des énergies renouvelables au réseau et de stockage de l’énergie et d’appréhender les notions de pilotage des réseaux intelligents (Scada).
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Patrick Elskens
Formateur Electromécanicien industriel
Développons durablement vos talents !